vendredi 6 mai 2011

Comment attraper une souris Indienne ?

On passe plusieurs jours à la voir courir, on daigne mettre – sans grande conviction – une cage et si par malheur on arrive enfin à l’attraper, on la jette dans la rue d’à côté pour qu’elle aille faire la même chose chez le voisin ou, mieux, qu’elle puisse revenir. C’est un peu la roue du Dharma, un cycle qui se complète.

En attendant, la souris s’est reproduit et a donné naissance à des dizaines, des centaines d’autres souris. Alors, l’Indien qui explique tout cela finit par avouer, un peu gêné, que oui : il a mis un peu de poison dans un coin de la maison. Parce que quand-même, le rongeur est un fléau, et porteur de maladies.


Et de se plaindre : nous avons beaucoup de souris dans notre maison, parce que les voisins les lâchent dans la rue juste à côté. Non, je vous rassure, la souris Indienne ne se reproduit pas.


Le même raisonnement s’applique aux chiens errants et aux singes. Ils sont en piètre condition, porteurs de maladies telles que la rage, se nourrissent majoritairement de déchets, volent et dévastent (en particulier les singes), mais cela porterait malheur d’en tuer quelques-uns pour protéger les populations. Il est en tout cas très mal vu de recourir à de telles pratiques, même lorsqu’elles sont nécessaires et mandatées. Evidemment, ceux qui en souffrent le plus sont ceux en concurrence directe avec les populations animales urbaines : ceux qui partagent avec eux la rue pour domicile.


Ce n’est pas qu’on chercherait ne serait-ce qu’à prendre les jeunes chiots dans la rue pour les stériliser. Non, c’est l’indifférence. On s’adapte, sans songer à d’autres solutions. Et cette indifférence généralisée n’est pas anodine, elle affecte tous les jours les personnes qui se font mordre, doivent trouver et payer un vaccin contre la rage, les personnes qui ont à subir des dommages, les personnes qui en meurent.


Mais ce serait cruel de tuer une souris. Pour des raisons religieuses, des raisons culturelles, des raisons d’émotivité – les raisons ne manquent jamais pour justifier l’indifférence –, la cruauté que cela implique pour l’homme n’est pas prise en compte à la hauteur de ce dont on a l’habitude, de l’autre côté du continent. De toute façon, ils ont déjà tellement d’autres problèmes à gérer … (hum)


Vous penserez que cela change de l’Occident, où un chien se fait abattre pour avoir ne serait-ce que menacé de mordre un enfant, où l’infime valeur accordée à la vie d’un animal ne fait pas le poids, n’est pas considérée lorsqu’il s’agit d’un danger potentiel pour l’homme. D’un extrême à l’autre, la différence culturelle, tout ça. Bien.


Il n’empêche, ces histoires sont parfois difficiles à justifier. Il se pourrait bien que l’indifférence soit tout simplement une question d’effort que l’on n’est pas prêt à mettre pour un résultat qui affecterait peu, finalement, sa propre vie. Eh, serait-ce là un problème de bien public ? La stratégie dominante à l'échelle individuelle est bien évidemment la non-action.


Ce n’est pas la première fois que soulevant le voile d’une pratique que l’on croit culturelle, indiscutablement ancrée dans le fonctionnement d’un pays, on s’aperçoit que le problème pourrait être moins la culture que la nature humaine s’adaptant au manque d’infrastructures pour compenser ces éternels problèmes d’incitation. Ces réflexions me ramènent à un excellent article : « Corruption, NGOs, and Development in Nigeria » de Daniel Jordan Smith. Il discute notamment l’idée très répandue que la corruption fait partie de la culture du Nigeria, et doit être considérée comme une composante inévitable de son fonctionnement.


Non, ça n’a pas beaucoup de rapport avec les souris Indiennes. Une digression, sans doute. Le soleil Rajasthani.

1 commentaire:

  1. L'explication culturelle me parait qd meme plus probante que la raison economique ou que la simple indifference... D'autant plus que les Indiens ne savent pas ce qu'ils manquent: la souris grillee c delicieux! Bon courage pour les attraper! J'espere qd meme que tu n'en as pas trouve dans ton lit...
    Jb

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