lundi 31 août 2009

green Delhi, clean Delhi



Excellent slogan, qui gagnerait à être mieux appliqué.
Delhi, comme toute ville un peu dans le courant, tient à faire des efforts pour être plus verte, plus propre. Pour ce qui est d'être verte, je dois bien avouer qu'elle l'est déjà beaucoup. Pour ce qui est d'être propre ...

Le traitement des déchets ici pourrait s'apparenter à une catastrophe. Les déchets jonchent le sol, partout. Bien sûr, dans les quartiers plus pauvres les tas sont relativement plus imposants. Mais ça n'en demeure pas moins remarquable à presque tout endroit de cette ville (excepté, par exemple, dans des endroits tels que le métro - endroit climatisé et un des plus propres de la ville (!)).

Le réflexe de base - puisque les poubelles sont rares - est de jeter les déchets par terre. Lorsqu'on passe à côté d'un tas au milieu du trottoir et qui ressemble plus ou moins à un tas de déchets, ou à côté de quelques endroits où ils sont stockés en plus grande quantité, on fait l'effort d'aller jusqu'à lui. C'est ici qu'un premier tri commence par toute une population récupérant ça et là ce qui peut l'être. Puis vient un second tri et ramassage par des personnes qui traînent alors de grands sacs remplis de déchets (par exemple, de papiers et cartons triés à partir des tas où tout est en vrac). Cela 'entretient' donc un petit monde.


Dans les sortes de bois que l'on rencontre parfois en traversant Delhi, le sol est de même jonché de sacs plastiques et autres déchets. Et lorsque l'on sort de Delhi et que l'on retrouve un lieu touristique, par exemple Musooree, on peut apprécier les mignonnes petites bâtisses et le paysage en descendant jusqu'au bas des cascades avec sur tous les pans de la descente ... une avalanche de déchets.


Ayant fait le constat de ce qui semble être une habitude culturelle profondément ancrée, on peut se demander comment faire en sorte qu'environ 1,2 milliard de personnes cessent de jeter leurs déchets sur le sol, et ce quelque soit l'endroit où ils se trouvent. Je n'ai pas encore trouvé la réponse.


On s'habitue finalement, comme pour chaque chose ; l'être humain s'adapte à toute condition ne remettant pas en cause sa survie immédiate. Cela manque toutefois clairement d'une politique de gestion des déchets. Il y a de la place pour de brillantes initiatives, mais j'ai bien peur qu'elles soient vaines si elles ne viennent pas de l'intérieur. Il ne faut pas croire que l'on puisse avoir le moindre impact sur ce petit monde.

J'ai le sentiment que la réponse à chaque question que rencontre l'Inde proviendra d'elle-même, ou ne sera pas.

mercredi 19 août 2009

Les cours de mathématiques sont-ils universels ? [I]

Il le fallait. Ne pas vous narrer mes (més-)aventures mathématiques ici, ce serait oublier une bonne partie de mes occupations à Delhi.


Les mathématiques, langage universel. L'adaptation à l'anglais - même avec un accent indien - n'a donc pas été trop douloureuse.
Dès le premier jour, mon emploi du temps était fait par la charmante tête du département des mathématiques (également une de mes professeurs) :
- advanced analysis : un cours de troisième année à propos de convergence, de suites et de séries.
- linear programming : troisième année toujours, le seul cours ayant une application concrète en économie (notamment théorie des jeux et fonction de production sujette aux contraintes).
- partial differential equations : ben ... comme l'indique l'intitulé du cours.

L'amusant, dans cette histoire, c'est que d'une part les cours sont choisis pour un an entier (le concept de semestre paraît étranger à ce College), et d'autre part j'ai bien évidemment choisi des cours qui me seraient peut-être utiles par la suite et que je n'avais pas suivi auparavant ; je n'ai donc pas toutes les connaissances théoriques de base pour les suivre. L'apprenant, le professeur chargé des exchange students a un peu paniqué (un américain avait un jour essayé de prendre des cours de physique et avait échoué, ce qui pose un problème lorsqu'on prend un cours pour l'année entière) et a demandé à tous mes professeurs de me faire passer des tests pour s'assurer de mon niveau. Par conséquent ... Je suis en train de lire des cahiers de première et deuxième année pour rattraper rapidement tout cela.
Bon, mais le rythme des cours n'étant pas celui de Paris 6 (nous avons 'seulement' trois heures par semaine dans chaque matière + les tutorials), ça reste - je crois et l'espère - faisable.

Je suis dans ces trois cours avec la même classe de 44 élèves, en troisième année de mathématiques. C'est donc agréable de les retrouver, et également de découvrir une atmosphère de classe détendue (parfois un peu trop), bruyante, chahutant le professeur.
Je suis également un cours supplémentaire (i.e. qui ne compte pas) de probabilités, cours de deuxième année. Ça me permet d'aborder cette matière sous un angle différent, avec un professeur qui l'enseigne ma foi plutôt bien - même si cela se traîne parfois un peu.

Les cours de mathématiques, c'est fascinant. Je ne crois pas que l'on puisse entendre dans une autre classe, par exemple : "I ask this question to a subset of the class ...". Les professeurs sont tous féminins au sein de ce département, sauf celui qui enseigne notamment les cours de probabilités et de programmation linéaire.

Il est vrai que les Indiens ont une réelle dextérité au calcul et à la manipulation de fonctions ; le comparatif avec notre manière de concevoir et d'enseigner la matière est amusant. Ils auront par exemple je crois plus de mal à manipuler le langage logique ou certains points d'algèbre.

Un étudiant ici arrive avec son cahier et un stylo. C'est tout. Pourquoi s'encombrer d'une règle, un crayon de papier, une gomme, etc. pour faire des mathématiques ? La pureté des formes importe peu, alors la matière est épurée de tout artifice et on gribouille des graphiques sur des coins de cahiers parfois sans ligne. C'est édifiant, parce qu'au fond, cela n'empêche nullement de faire des mathématiques - et peut-être bien au contraire. Un hommage à Alexis P. : pour faire des mathématiques, il suffit d'avoir un tableau noir et une craie. Ici, un cahier et un stylo. C'est un peu le même concept. (le professeur dispose également d'un tableau noir et d'une craie)
Les classes sont bondées, et régulièrement trop petites pour contenir tout ce petit monde. Alors même en comptant les absents, on finit sur des chaises à écrire sur nos genoux. J'ai une fois fini par terre, mais ça reste je crois une exception. Ici, les mathématiques ne sont pas une voie désertée.
Le rayon de la bibliothèque de St Stephens consacré aux mathématiques est assez impressionnant, je dois bien l'avouer. Les livres sont assez vieux dans l'ensemble - comme la plupart des livres de cette bibliothèque, d'ailleurs. Mais en mathématiques, ça n'empêche nullement d'étudier : dans cette discipline, les contributions exceptionnelles n'ont pas le même impact que dans d'autres sciences.

Je suis également un cours de Hindi, mais comme ça n'est pas des mathématiques, je me contenterai d'une petite anecdote :
En Hindi, il y a plein de lettres qui nous semblent, à nous Français, à peu près similaires dans la prononciation mais qui sont des lettres à part entière pour eux. Nous arrivons à la rigueur à établir la différence lorsque notre professeur les prononce, mais les prononcer nous-mêmes paraît bien difficile. Pour nous aider, il nous demande de prononcer des mots en anglais dans lesquels est censé être contenu le fameux son. Un exemple mémorable : 'd', comme dans 'without'.
Ah ... cet accent indien.

mardi 4 août 2009

De Roorkee à Mussooree ...


Partir en week-end, enfin hors de Delhi. Et mine de rien - bien que Delhi ait tout son charme -, en sortir repose.

Navjot (à droite sur la photo), étudiante de St Stephen en échange à Sciences-po l'année dernière, nous a très gentiment invités à passer un week-end chez elle, à Roorkee. Nous avons fait le trajet en bus avec sa soeur Tanveer (à gauche) et une de ses amies, Advaeita (entre Tanveer et Florence), également étudiante à St Stephen. Le trajet en lui-même n'a pas été de tout repos : la climatisation est tombée en panne en milieu de trajet (incident banal ici), ce qui nous a conduit à prendre un autre bus non climatisé mais disposant de fenêtres ouvertes, heureusement. Non pas que l'on soit tout à fait bien, mais du moins un peu moins exposés à la chaleur.
Nous sommes arrivés un peu tard, et toutes ces péripéties enfin terminées (elles nous ont dit que c'était l'expérimentation de l'Inde), nous avons eu un accueil extrêmement chaleureux des parents de Navjot et Tanveer. La nourriture préparée par la mère était délicieuse, et enfin pas trop épicée ! Je crois que la nourriture que cuisinent les Indiens à domicile est bien moins épicée que celle des restaurants.

Le lendemain, direction Mussooree. Située dans les contreforts de l'Himalaya, cette mignonne petite ville - depuis laquelle nous disposions d'une vue magnifique - comporte également une station très touristique. Une cascade non loin fait le bonheur des nombreux Indiens venus s'y baigner, joyeusement et à grand bruit. La descente qui mène à la cascade dispose de chaque côté de nombreuses petites chopes vendant à peu près toutes les mêmes petites choses pour souvenirs.







Cette ballade fut très agréable, bien que le trajet fut un peu difficile pour moi - d'où le premier conseil de mon message précédent. Petit incident sans lequel mon expérience de l'Inde n'aurait pas été complète, de l'avis de nos charmantes compagnes.
Nous avons même pu, le soir venu, nous arrêter près du Gange où des Indiens se baignaient encore.


J'aimerais insister tout particulièrement sur le sens de l'accueil dans une famille indienne. Très chaleureuse, cette petite famille nous entoura vraiment durant ces deux jours. La mère nous cuisina tant et tant de petits et excellents plats. Navjot, Tanveer et leur amie Advaeita furent de très agréables compagnes de route, souriantes, affectueuses et extrêmement attentionnées.

Je crois que nous avons tous été charmés et touchés par cet accueil si spontané, si simple et si tendre ... Sans oublier tout ce que nos yeux ont vu de beau, et la découverte de l'Inde en dehors de Delhi.

En route !

(Dans un rickshaw-vélo sous la pluie)

Le trafic indien est un trait culturel auquel on accorde une attention particulière, pour la simple et bonne raison que c'est, je crois, ce qui depuis mon arrivée ici provoque les plus grandes frayeurs.

Il faut d'abord concevoir que le concept du 'conduire du côté gauche de la route' a un sens tout relatif ici, voire pas de sens du tout. Le principe consiste - moyennant de nombreux et vigoureux coups de klaxon - à tenter de doubler autant que faire se peut (c'est-à-dire indifféremment par la droite ou par la gauche, l'univers des possibles comprenant ces deux options) les rickshaws, voitures, camions, nombreux deux-roues et quelques charrettes tirées par des boeufs de son côté (le gauche, je vous le rappelle - en tout cas à l'origine) en tentant d'éviter les rickshaws, voitures, camions, nombreux deux-roues et quelques charrettes tirées par des boeufs de l'autre côté (le droit, donc). Rouler à contresens ne pose aucun problème ici ... C'est tout au plus dangereux, ça n'a rien d'anormal.


On n'accorde à la ligne de démarcation aucune signification, qu'elle soit droite, en pointillés, ou qu'elle n'existe tout simplement pas. Le but du jeu est de rouler au milieu de la route en klaxonnant pour signaler et à ceux de son côté que l'on double, et à ceux de l'autre côté que l'on est au milieu de la route voire carrément sur leur voie. Puis, la règle consiste à se rabattre au dernier moment lorsque ce ne sont plus des deux-roues ou rickshaws mais bien une voiture qui arrive en face, de façon à ce que tous les véhicules concernés klaxonnent pour faire monter la pression et voir qui cédera le premier.
Ça se joue au final à une demi-seconde près, parfois moins. Quelques cris d'occidentaux effarouchés plus tard, tout le monde est sain et sauf et c'est reparti pour le slalom entre les véhicules des deux côtés.

La partie la plus amusante du jeu a lieu dans les montagnes, lorsque les routes sont escarpées et moins larges, avec la contrainte supplémentaire du gouffre d'un côté et du mur de roc de l'autre (c'est un niveau au-dessus). Les règles ne changent bien évidemment pas.

Ce qui donne lieu à un premier conseil : si vous êtes malades sur les routes indiennes (ce qui ne manquera pas d'arriver si d'aventure vous êtes en Inde), ne prenez pas le siège à côté du conducteur. En France, c'est le siège qui permet d'être le moins malade. En Inde, voir la route n'arrange vraiment rien, et empire même le malaise. Une expérience malheureuse ...

Un second conseil : lorsque vous montez dans un véhicule - je dis bien véhicule, parce que peu importe lequel -, ou vous faites une confiance aveugle à votre conducteur, ou il est préférable de fermer les yeux et se réfugier sous la banquette (si toutefois vous n'êtes pas sensible aux nombreuses disparités de la route qui vous secoueront). De toute façon, une fois embarqué, vous n'avez plus le choix ... Le résultat sera le même.

Et les piétons, dans tout ça, me direz-vous ? Les piétons traversent quand ils peuvent, et surtout pas sur les très rares passages piétons rencontrés. Il faut savoir avant tout qu'un véhicule ne s'arrêtera pas pour laisser traverser un piéton. Tout au plus ralentira-t-il sans oublier de klaxonner (et oui, aussi à cette occasion).

On se demande alors comment sont-ils encore vivants, tous, sur les routes ... Mais en fait, étant donné la densité de trafic, la vitesse moyenne n'est pas très élevée - ce qui réduit d'autant les risques d'accident. Par ailleurs, l'indien maîtrise sa conduite, malgré tout. Et fort heureusement.

Il y a, d'après mon expérience, bien plus de peur que de mal.