Il le fallait. Ne pas vous narrer mes (més-)aventures mathématiques ici, ce serait oublier une bonne partie de mes occupations à Delhi.
Les mathématiques, langage universel. L'adaptation à l'anglais - même avec un accent indien - n'a donc pas été trop douloureuse.
Dès le premier jour, mon emploi du temps était fait par la charmante tête du département des mathématiques (également une de mes professeurs) :
- advanced analysis : un cours de troisième année à propos de convergence, de suites et de séries.
- linear programming : troisième année toujours, le seul cours ayant une application concrète en économie (notamment théorie des jeux et fonction de production sujette aux contraintes).
- partial differential equations : ben ... comme l'indique l'intitulé du cours.
L'amusant, dans cette histoire, c'est que d'une part les cours sont choisis pour un an entier (le concept de semestre paraît étranger à ce College), et d'autre part j'ai bien évidemment choisi des cours qui me seraient peut-être utiles par la suite et que je n'avais pas suivi auparavant ; je n'ai donc pas toutes les connaissances théoriques de base pour les suivre. L'apprenant, le professeur chargé des exchange students a un peu paniqué (un américain avait un jour essayé de prendre des cours de physique et avait échoué, ce qui pose un problème lorsqu'on prend un cours pour l'année entière) et a demandé à tous mes professeurs de me faire passer des tests pour s'assurer de mon niveau. Par conséquent ... Je suis en train de lire des cahiers de première et deuxième année pour rattraper rapidement tout cela.
Bon, mais le rythme des cours n'étant pas celui de Paris 6 (nous avons 'seulement' trois heures par semaine dans chaque matière + les tutorials), ça reste - je crois et l'espère - faisable.
Je suis dans ces trois cours avec la même classe de 44 élèves, en troisième année de mathématiques. C'est donc agréable de les retrouver, et également de découvrir une atmosphère de classe détendue (parfois un peu trop), bruyante, chahutant le professeur.
Je suis également un cours supplémentaire (i.e. qui ne compte pas) de probabilités, cours de deuxième année. Ça me permet d'aborder cette matière sous un angle différent, avec un professeur qui l'enseigne ma foi plutôt bien - même si cela se traîne parfois un peu.
Les cours de mathématiques, c'est fascinant. Je ne crois pas que l'on puisse entendre dans une autre classe, par exemple : "I ask this question to a subset of the class ...". Les professeurs sont tous féminins au sein de ce département, sauf celui qui enseigne notamment les cours de probabilités et de programmation linéaire.
Il est vrai que les Indiens ont une réelle dextérité au calcul et à la manipulation de fonctions ; le comparatif avec notre manière de concevoir et d'enseigner la matière est amusant. Ils auront par exemple je crois plus de mal à manipuler le langage logique ou certains points d'algèbre.
Un étudiant ici arrive avec son cahier et un stylo. C'est tout. Pourquoi s'encombrer d'une règle, un crayon de papier, une gomme, etc. pour faire des mathématiques ? La pureté des formes importe peu, alors la matière est épurée de tout artifice et on gribouille des graphiques sur des coins de cahiers parfois sans ligne. C'est édifiant, parce qu'au fond, cela n'empêche nullement de faire des mathématiques - et peut-être bien au contraire. Un hommage à Alexis P. : pour faire des mathématiques, il suffit d'avoir un tableau noir et une craie. Ici, un cahier et un stylo. C'est un peu le même concept. (le professeur dispose également d'un tableau noir et d'une craie)
Les classes sont bondées, et régulièrement trop petites pour contenir tout ce petit monde. Alors même en comptant les absents, on finit sur des chaises à écrire sur nos genoux. J'ai une fois fini par terre, mais ça reste je crois une exception. Ici, les mathématiques ne sont pas une voie désertée.
Le rayon de la bibliothèque de St Stephens consacré aux mathématiques est assez impressionnant, je dois bien l'avouer. Les livres sont assez vieux dans l'ensemble - comme la plupart des livres de cette bibliothèque, d'ailleurs. Mais en mathématiques, ça n'empêche nullement d'étudier : dans cette discipline, les contributions exceptionnelles n'ont pas le même impact que dans d'autres sciences.
Je suis également un cours de Hindi, mais comme ça n'est pas des mathématiques, je me contenterai d'une petite anecdote :
En Hindi, il y a plein de lettres qui nous semblent, à nous Français, à peu près similaires dans la prononciation mais qui sont des lettres à part entière pour eux. Nous arrivons à la rigueur à établir la différence lorsque notre professeur les prononce, mais les prononcer nous-mêmes paraît bien difficile. Pour nous aider, il nous demande de prononcer des mots en anglais dans lesquels est censé être contenu le fameux son. Un exemple mémorable : 'd', comme dans 'without'.
Ah ... cet accent indien.
Courage Eve ! Les mathématiques sont un jeu. En Inde, c'est juste la règle du jeu qui change. ;-) Et tu as tout pour réussir ! :D
RépondreSupprimerbiz!
Charlotte
Cela me fait penser à cette phrase dans un livre sur la philosophie des mathématiques : "Mathematics is the greatest game ever played, but it is just a game, nevertheless." (dans la bouche des formalistes)
RépondreSupprimerMerci des encouragements ! Je t'embrasse de même.